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" Pas de réussite sans échecs " --- François VOITURON








by ENJE
Enseignement du jeu d'échecs à l'école

2 mars 2016

Quand Marcel Duchamp était professeur d'échecs



Marcel Duchamp (1887-1968) était complètement dada (1) du jeu d'échecs.

Resté célèbre pour sa Fontaine (2), Marcel Duchamp était peintre, plasticien, artiste au plus profond de son âme, équilibriste à l'occasion (voir photo). Ami et complice de Picabia et Man Ray, il a exercé une influence majeure sur l'art contemporain minimaliste, conceptuel, et même corporel. Il influence et inspire des courants divers, du Pop Art au Néo-Dadaïsme.

André Breton  le voyait comme "l'homme le plus intelligent du siècle", 

Et le dada de notre Dadaïste ?
Le jeu d'échecs !

Excellent joueur, Champion de Haute-Normandie en 1924, participant au Championnat de France (il réalisa l'affiche de 1925), membre de l'équipe de France aux Olympiades.

En 1918, le voilà sculpteur de pièces d'échecs.
En 1932, il publie "l'opposition et les cases conjuguées sont réconciliées".
En 1933, il traduit "Comment il faut commencer une partie d'échecs".

Publier et/ou traduire un livre, est-ce suffisant pour être professeur ?
Non.
Certes, Marcel Duchamp a déclaré que le jeu d'échecs est l'école du silence (3).
Mais, est-ce suffisant pour être reconnu comme professeur d'échecs ?
Non.

On apprends au détour d'un article de la presse régionale que Marcel Duchamp avait un copain au Lycée Pierre-Corneille à Rouen, Ferdinand Tribout, et que Marcel s'est mis en tête de l'initier aux échecs. Pour arriver à ses fins, Marcel prend un couteau, lacère la table pour créer un échiquier et met un peu de peinture pour les cases noires.
Et voilà notre professeur d'échecs !
La table existe toujours et a été retrouvée.
On imagine à peine ce qui se serait passé si Marcel avait voulu créer un échiquier . . . mural.

Marcel Duchamp nous laisse une déclaration célèbre (banquet de l'association d'échecs de New-York, en 1952) : 

"Objectivement, une partie d’échecs ressemble beaucoup à un dessin à la plume, avec cette différence que le joueur d’échecs peint avec les formes blanches et noires déjà prêtes [allusion au ready made], au lieu d’inventer des formes comme le fait l’artiste. Le dessin ainsi élaboré sur l’échiquier n’a apparemment pas de valeur esthétique visuelle, et ressemble d’avantage à une partition de musique, qui peut être jouée et rejouée. Dans les échecs la beauté n’est pas une expérience visuelle comme en peinture. C’est une beauté plus proche de celle qu’offre la poésie ; les pièces d’échecs sont l’alphabet majuscule qui donne forme aux pensées ; et ces pensées, bien qu’elles composent un dessin visuel sur l’échiquier, expriment leur beauté , comme un poème. En fait, je crois que tout joueur d’échecs connaît deux plaisirs esthétiques mélangés : l’image abstraite apparentée à l’écriture, et le plaisir sensuel de l’exécution idéographique de cette image sur l’échiquier. Mes contacts étroits avec les artistes et les joueurs d’échecs m’ont induit à conclure que, si tous les artistes ne sont pas des joueurs d’échecs, tous les joueurs d’échecs sont des artistes".

Nous terminons par une partie d'échecs disputée en 1923 contre Edgar Colle (sextuple Champion de Belgique et inventeur du système Colle).

(1)
Le mouvement Dada - intellectuel, littéraire, artistique - fête ses 100 ans.
Avoir un dada = avoir une idée fixe, une manie, un hobby.
(2)
(3)


Marcel Duchamp et Man Ray (1924) Toit du théâtre des Champs-Elysées