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" Pas de réussite sans échecs " --- François VOITURON








by ENJE
Enseignement du jeu d'échecs à l'école

14 mars 2014

Voltaire, le jeu d'échecs et la religion


La critique de la religion prend un véritable essor avec les philosophes des Lumières, au premier rang desquels on trouve Voltaire, suivi par David Hume (autre joueur d'échecs).

Mais la critique ne signifie pas le rejet.
Voltaire croit en Dieu, du moins en l'existence d'un Dieu.
Et Hume rejette uniquement la théologie et les miracles. On peut aussi citer Isaac Newton, Grand Maître, non pas d'échecs mais du prieuré de Sion (1691-1727), qui rejette le dogme de la Trinité mais voit dans la science un motif supplémentaire de croire en un Dieu créateur.

Revenons à Voltaire.
Le voilà qui utilise une métaphore inspirée du jeu d'échecs pour attaquer les gens d'Eglise :

« À la honte des hommes, on sait que les lois du jeu sont les seules qui soient partout justes, claires, inviolables et exécutées. Pourquoi l'Indien qui a donné les règles du jeu d'échecs est-il obéi de bon gré dans toute la terre, et que les décrétales des papes, par exemple, sont aujourd'hui un objet d'horreur et de mépris ? C'est que l'inventeur des échecs combina tout avec justesse pour la satisfaction des joueurs, et que les papes, dans leurs décrétales, n'eurent en vue que leur seul avantage. L'Indien voulut exercer également l'esprit des hommes et leur donner du plaisir ; les papes ont voulu abrutir l'esprit des hommes. » (1)

Il convient d'ajouter que l'adversaire habituel de Voltaire aux échecs n'était autre qu'un abbé (le père Adam) !.


(1) Dictionnaire Philosophique Tome VI Edition 1822 Didot Lequien


Voltaire jouant aux échecs avec le père Adam. Peinture de Huber (joueur  d'échecs). Musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg.

13 mars 2014

Voltaire, le jeu d'échecs et la musique


Entre 1752 et 1754, apparait en France la querelle des Bouffons. On est pour ou contre la musique italienne.

Voltaire et Rousseau qui étaient engagés dans une profonde dispute personnelle et idéologique auraient pu s'entendre sur ce sujet car Jean-Jacques Rousseau (lire : Quand Jean-Jacques Rousseau jouait aux échecs) était partisan d'italianiser l'Opéra.

Et, de son côté, dans une lettre du 22 août 1750, Voltaire argumente en faveur de la musique italienne :

Pour la musique, on dit qu'elle est bonne. Je ne m'y connais guère; je n'ai jamais trop senti l'extrême mérite des doubles croches. Je sens seulement que la signora Astrua et i signori castrati ont de plus belles voix que vos actrices, et que les airs italiens ont plus de brillant que vos ponts-neufs que vous nommez ariettes. J'ai toujours comparé la musique française au jeu de Dames, et l'italienne au jeu d'échecs. Le mérite de la difficulté surmontée est quelque chose. Votre dispute contre la musique italienne est comme la guerre de 1701; vous êtes seuls contre toute l'Europe. 

On ne sera pas étonné d'apprendre que Voltaire participe aussi au financement de l'édition de "L'analyze des échecs" par Philidor (édition de 1777. Lire : Quand Philidor jouait aux échecs), ce dernier étant considéré comme le fondateur de la musique italienne en France à l'époque des Lumières.

A suivre :
Voltaire, le jeu d'échecs et la religion
Paru :
Quand Voltaire jouait aux échecs

12 mars 2014

Quand Voltaire jouait aux échecs


Voltaire (1694-1778), moins connu sous son véritable patronyme François-Marie Arouet, était un joueur d'échecs, amateur passionné mais d'un niveau modeste (1).

Philosophe des Lumières réputé pour la finesse de ses réparties et pour son esprit brillant, il n'aimait pas être Mat. Auteur d'un Traité sur la Tolérance, il était lui-même intolérant . . . lorsqu'il perdait une partie d'échecs !

On rapporte que Voltaire n'hésitait pas à distraire son opposant en sifflotant pour le gêner. Et, à l'occasion d'une défaite, il pouvait aller jusqu'à bombarder son adversaire avec les pièces du jeu.

Sans surprise, Voltaire a eu recours au jeu d'échecs (comme métaphore) pour donner son opinion, que ce soit au sujet de la musique ou de la religion.

A suivre :

(1) Socio-anthropologie des joueurs d'échecs par Jacques Bernard.

10 mars 2014

Quand Jean-Jacques Rousseau jouait aux échecs.



En Suisse, c'est connu, on n'est pas pressé.
Jean-Jacques Rousseau, né à Genève, attendra 1742 pour venir s'installer à Paris.
Il a 30 ans.

Finalement, peu importe le temps quand on a le talent.

Encore 20 petites années passent.
"Le contrat social" est publié en 1762.
Ce texte majeur de philosophie politique affirme le principe de souveraineté du peuple et précède la Révolution Française de 1789. D'autres idées sont diffusées, d'autres livres sont publiés, et pas des moindres : Discours sur les sciences et les arts (1750), Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755), Emile ou de l'Education (1762), . . . 

Rousseau est un Philosophe des Lumières qui contribue à l'Encyclopédie de Diderot. C'est un écrivain, d'ailleurs précurseur du Romantisme. C'est aussi un musicien imaginatif. Il meurt en 1778, Quelques années passent . . . et la France reconnaissante transfère ses cendres au Panthéon (1794).

Mais Rousseau, est aussi un joueur d'échecs.
Et les témoignages concernant cet habitué du Café de la Régence abondent.

Rousseau, joueur d'échecs plutôt doué.
"Il s’avisa de me proposer d’apprendre les échecs, qu’il jouait un peu. J’essayai presque malgré moi ; et, après avoir tant bien que mal appris la marche, mon progrès fut si rapide, qu’avant la fin de la première séance, je lui donnai la tour qu’il m’avait donnée en commençant".
Extrait du livre Les Confessions

Rousseau, joueur d'échecs plutôt passionné.
"Il ne m’en fallut pas davantage : me voilà forcené des échecs. J’achète un échiquier, j’achète le Calabrois : je m’enferme dans ma chambre, j’y passe les jours et les nuits à vouloir apprendre par cœur toutes les parties, à les fourrer dans ma tête bon gré mal gré, à jouer seul sans relâche et sans fin. Après deux ou trois mois de ce beau travail et d’efforts inimaginables, je vais au café, maigre, jaune, et presque hébété".
Extrait du livre Les Confessions

Rousseau, joueur d'échecs plutôt paresseux.
"J’avais un autre expédient non moins solide dans les échecs, auxquels je consacrais régulièrement, chez Maugis, les après-midi des jours que je n’allais pas au spectacle. Je fis là connaissance avec M. de Légal, avec un M. Husson, avec Philidor, avec tous les grands joueurs d’échecs de ce temps-là, et n’en devins pas plus habile. Je ne doutai pas cependant que je ne devinsse à la fin plus fort qu’eux tous; et c’en était assez, selon moi, pour me servir de ressource. De quelque folie que je m’engouasse, j’y portais toujours la même manière de raisonner. Je me disais : Quiconque prime en quelque chose est toujours sûr d’être recherché. Primons donc, n’importe en quoi ; je serai recherché, les occasions se présenteront, et mon mérite fera le reste. Cet enfantillage n’était pas le sophisme de ma raison, c’était celui de mon indolence. Effrayé des grands et rapides efforts qu’il aurait fallu faire pour m’évertuer, je tâchais de flatter ma paresse, et je m’en voilais la honte par des arguments dignes d’elle."

Rousseau, joueur d'échecs plutôt impressionnable.
"J. J. est sur la musique et sur les choses qu’il sait le mieux comme il était jadis aux échecs. Jouait-il avec un plus fort que lui qu’il croyait plus faible, il le battait le plus souvent ; avec un plus faible qu’il croyait plus fort il était battu ; la suffisance des autres l’intimide et le démonte infailliblement."
Rousseau, Rousseau, juge de Jean-Jacques.
Rousseau, joueur d'échecs plutôt . . . pas diplomate (contre le Prince de Conti).
"Comme mon appartement de Mont-Louis était très petit, et que la situation du donjon était charmante, j’y conduisis le prince, qui, pour comble de grâces, voulut que j’eusse l’honneur de faire sa partie aux échecs. Je savais qu’il gagnait le chevalier de Lorenzy, qui était plus fort que moi. Cependant, malgré les signes et les grimaces du chevalier et des assistants, que je ne fis pas semblant de voir, je gagnai les deux parties que nous jouâmes. En finissant je lui dis d’un ton respectueux, mais grave : Monseigneur, j’honore trop Votre Altesse sérénissime pour ne la pas gagner toujours aux échecs. Ce grand prince, plein d’esprit et de lumières, et si digne de n’être pas adulé, sentit en effet, du moins je le pense, qu’il n’y avait là que moi qui le traitasse en homme, et j’ai tout lieu de croire qu’il m’en a vraiment su bon gré".

Rousseau, joueur d'échecs plutôt épuisé.
"Depuis deux jours je suis moins bien, j’ai de la fièvre, un grand mal de tête, que les échecs où j’ai joué hier, ont augmenté. Je les aime, et il faut que je les quitte".
Lettre à Monsieur Lallaud (1768)

Rousseau, joueurs d'échecs plus fort que Diderot
"L’homme ambitionne la supériorité, même dans les plus petites choses. Jean-Jacques Rousseau, qui me gagnait toujours aux échecs, me refusait un avantage qui rendît la partie plus égale. Souffrez-vous à perdre, me disait-il. – Non, lui répondais-je. Mais je me défendrais mieux et vous en auriez plus de plaisir. – Cela se peut, répliquait-il, laissons pourtant les choses comme elles sont."
Témoignage de Diderot (1767).


Jean-Jacques Rousseau vs David Hume (1765)

7 mars 2014

Joueuses d'échecs



Pour accompagner la Semaine au Féminin (du 1er au 9 mars) proposée par la Fédération Française des Echecs, nous vous invitons à relire quelques brèves illustrées qui mettent en avant les femmes et le jeu d'échecs.

De Catherine Deneuve à Georgia Jagger, en passant par Linné Ahlstrand, vous retrouverez les Gibson girls ou Lucy Annes, cette enseignante qui proposait d'apprendre le jeu d'échecs à l'école dès 1938.

Terminons par Sexologie des joueurs d'échecs, l'article le plus lu sur Echecsinfos, et qui nous instruits sur le fait que le cerveau des joueuses d'échecs ne fonctionne pas de la même façon que celui des joueurs d'échecs.

5 mars 2014

Quand Philidor jouait aux échecs


La vie de François-André Danican Philidor (1726-1795) se partage entre la musique et le jeu d'échecs.

En 1732, il a 6 ans, on le trouve à la chapelle Royale de Versailles (dont il deviendra page). Que font les musiciens en attendant que le Roi vienne à la messe ? Ils jouent aux échecs ! Pendant 4 ans, tous les jours, Philidor regarde jouer les autres sur des tables où s'alignent 6 échiquiers. Un beau matin, un musicien arrivé en retard se plaint de ne pas avoir d'adversaire. Contrarié, il consent à disputer une partie contre Philidor. Vous l'avez deviné. Notre génie gagne la partie. Il a 10 ans. Deux ans plus tard, il compose son premier motet. 

Philidor fréquentera le Café de la Régence. Il y fait la connaissance de Sir Legal, qui devient son professeur.
Bientôt, l'élève dépasse le Maître (1755). En battant Legal, Philidor est reconnu comme le plus fort joueur d'échecs de l'époque.
Dès 1749, il publie : "L'analyze des échecs". Un ouvrage augmenté en 1777, puis à nouveau en 1790. 

Avec Philidor, le jeu d'échecs change de statut. Il passe du simple divertissement à une science qu'il se charge de théoriser. En devenant le premier joueur d'échecs professionnel puisqu'il vit de son talent (livres, exhibitions, parties à enjeu), Philidor amène le jeu d'échecs sur le terrain du sport, comme le préfigurent les parties en simultanée à l'aveugle contre 3 adversaires qu'il dispute à Londres, et qui servent de prémices aux rencontres internationales du milieu du XIXème siècle.

Philidor passe les 20 dernières années de son existence entre Londres, où il joue aux échecs de Février à Juin, et Paris, où il compose de la musique entre Juin et Février (on trouve son buste sur la façade de l'Opéra Garnier).

Pour Philidor, les pions sont l'âme des échecs.
En 1795, définitivement éxhilé à Londres depuis 3 ans en raison des troubles Révolutionnaires, Philidor rendra la sienne (d'âme).

Cela lui évite d'assister à l'Interdiction du jeu d'échecs prononcée par le Directoire, l'année suivante, en 1796 (réhabilitation en 1804 par Napoléon).


Ouverture Philidor

Sheldon vs Philidor - 1790

Bruehl vs Philidor - 1790 (à l'aveugle et 1 pion rendu)


3 mars 2014

Les Encyclopédistes et le jeu d'échecs


Le Père des Encyclopédistes était un joueur d'échecs.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, pour Denis Diderot (1713-1784), il y a du hasard dans le jeu d'échecs !
"Il y a du hasard aux échecs et à tous les autres jeux de l'esprit et pourquoi n'y en aurait-il pas ? L'idée sublime qui se présente où était-elle l'instant précédent ?" (1)

Diderot, ami de Philidor (qu'il aida à publier "l'analyze des échecs"), fréquentait le café de la Régence, comme le relate son livre Le neveu de Rameau, considéré comme une autobiographie.  Joueur de niveau modeste, mais supérieur à d'Alembert, son intérêt est réel.
Il lui arrive même de proposer un avis technique à Sir Legal (professeur de Philidor) : en cas de contestation, favoriser le joueur qui serait le mieux placé.
Ou encore d'analyser le caractère de ses adversaires : "L’homme ambitionne la supériorité, même dans les plus petites choses. Jean-Jacques Rousseau, qui me gagnait toujours aux échecs, me refusait un avantage qui rendît la partie plus égale. Souffrez-vous à perdre, me disait-il. – Non, lui répondais-je. Mais je me défendrais mieux et vous en auriez plus de plaisir. – Cela se peut, répliquait-il, laissons pourtant les choses comme elles sont".

L'Encyclopédie (1751-1765) réserve une belle place au jeu d'échecs.

On trouve une planche avec des pièces style Régence. Ou encore un article du chevalier de Jaucourt : "le jeu des échecs que tout le monde connaît et que peu de personnes jouent bien, est le plus savant et celui dans lequel l'étendue et la force de l'esprit du jeu peut se faire le plus aisément remarquer". Et de nombreux contributeurs sont des joueurs d'échecs (Voltaire, Rousseau, . . .).

L'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert est, d'une certaine façon, l'ancêtre de Wikipédia. Elle comporte 28 volumes (17 de textes et 11 de planches), plus de 5.000 articles et a été rédigée par 160 auteurs issus de toutes les catégories sociales et provenant aussi de différents pays étrangers. C'était une oeuvre collaborative avant la lettre. Elle incarne l'esprit des Lumières.

Un projet existe pour imprimer Wikipédia (créé en 2001. Il y aurait 21 millions d'articles et plus de 100.000 contributeurs). Il évalue l'ensemble à imprimer à environ 1.000 volumes.

(1) L'imaginaire du jeu d'échecs . . . - Ivan Gros